Les parlementaires harcèlent le gouvernement sur le projet de loi des langues | | | |
Depuis les manifestations de Carcassone et Bayonne qui, le 24 octobre
dernier, ont vu défiler des milliers de citoyens pour réclamer au
gouvernement le projet de loi sur les langues promis avant la fin de
l’année, les députés et sénateurs de différentes régions, de droite
comme de gauche, ne cessent de demander des comptes au gouvernement et
plus précisément au ministre de la Culture Frédéric Mitterrand.
Jean-Pierre Dupont (UMP, Corrèze) a interpelé le
ministre de la culture et de la communication sur le projet d'inscrire
à l'ordre du jour du Parlement ce projet de loi relatif aux langues
régionales. « En mai 2008, le ministre de la culture et de la
communication de l'époque avait promis, lors d'un débat à l'Assemblée
nationale, qu'un texte de loi visant à promouvoir les langues
régionales et minoritaires viendrait consacrer la reconnaissance des
langues régionales dans le courant de l'année 2009. Or aujourd'hui, de
nombreuses associations, fédérations ou autres collectifs oeuvrant pour
le maintien et le développement des langues régionales ou
territoriales, attendent avec impatience cette loi » souligne-t-il.
« Les langues régionales font, en effet, partie
intégrante de l'histoire et de la géographie de nos régions et sont, en
ce sens, le ciment de nos territoires. Leur reconnaissance officielle
permettrait d'en assurer l'avenir et la transmission » précise le
député. En conséquence, il souhaite connaître le calendrier envisagé
pour l'inscription à l'ordre du jour du Parlement « d'un projet de loi
relatif aux langues régionales ».
Vincent Descoeur (UMP, Cantal) attire également
l'attention de Frédéric Mitterrand « sur la promesse faite par le
Gouvernement en 2008 de présenter un projet de loi visant à promouvoir
l'utilisation, la diffusion et l'enseignement des langues régionales ».
« Depuis juillet 2008, la Constitution française
consacre l'existence des langues régionales, son article 75-1 stipulant
qu'elles font partie du patrimoine de la Nation. Suite
à l'adoption de cette révision constitutionnelle, la ministre de la
culture et de la communication avait indiqué son intention de présenter
un projet de loi de nature à traduire dans les faits cette
reconnaissance des langues régionales » rappelle l’élu. « Faute de
statut légal, la transmission et le développement des langues
régionales ne sont en effet dans bien des cas pas assurés »
précise-t-il. Le député de droite demande donc quelles sont les
intentions du Gouvernement dans ce domaine.
Victorin Lurel (PS, Gouadeloupe) interpelle aussi
le ministre de la culture sur l'absence, dans l’arsenal législatif
actuel, d'une loi en faveur des langues régionales de France. « En
2008, la Constitution a été modifiée et dispose désormais que les
langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ; la
promesse avait été faite par le Gouvernement qu'une loi-cadre sur les
langues régionales serait discutée en 2009. Elle tarde à venir »,
fait-il remarquer. « La reconnaissance hautement symbolique des langues
régionales dans notre texte fondamental doit prendre tout son sens en
se traduisant par l'adoption de mesures concrètes destinées à faire
vivre et à transmettre cette composante de notre héritage que sont les
langues régionales de France. L'absence de cadrage national conduirait
à menacer leur transmission et leur existence ». Aussi, le
député guadeloupéen demande si le Gouvernement compte proposer
rapidement un projet de loi « permettant d'accroître la place des
langues régionales conformément à l'engagement qu'il a pris ».
Toujours chez les socialises, Martine Martinel
(PS, Haute Garonne) s’est adressée à Frédéric Mitterrand « sur la
promesse de loi sur les langues régionales faite par Nicolas Sarkozy
lors de sa campagne électorale et réitérée par le Gouvernement en 2008
». « Le mouvement de promotion de la langue occitane est en effet
inquiet. Depuis que la Constitution consacre les langues régionales
comme un patrimoine reconnu, rien de concret n'a été réalisé pour leur
développement. Pourtant lors du débat sur les langues qui a eu lieu en
mai 2008, le Gouvernement s'y était engagé comme lors de la révision
constitutionnelle de juillet dernier. L'enseignement de la langue d'oc
se porte mal et ses pratiquants attendent un relais fort de la part de
l'État ». Aussi Mme Martinel demande elle aussi au ministre quelles
sont les dispositions qu'il compte prendre pour dynamiser
l'enseignement, la pratique et la diffusion des langues régionales.
Enfin, Marie-Line Reynaud (PS, Charente) revient
sur le statut légal des langues régionales. « Le 21 juillet 2008, la
loi constitutionnelle a affirmé que les langues régionales
appartiennent au patrimoine de la France. Les
langues régionales sont bien un patrimoine exceptionnel dont peut
s'honorer la France », indique-t-elle au ministre. « L'existence des
langues régionales ne repose aujourd'hui que sur des dispositions
éparses et n'est fondée sur aucune législation. La Constitution
nécessite désormais d'adopter une loi sur les langues » ajoute-t-elle
en demandant à F. Mitterrand de bien vouloir indiquer le calendrier
d'examen de ce projet de loi « qui constituera une nouvelle étape en
faveur de la diversité des langues ».
Nos députésEn ce qui concerne les députés du Pays Basque,
Jean Grenet député de la Ve circonscription avait envoyé à la veille de
ma manifestation Bayonnaise une lettre au Premier Ministre afin de
connaître le calendrier prévu pour adopter cette loi. Pour sa part,
Martine Lignières-Cassou (PS, Pyrénées Atlantiques) a posé une question
écrite sur le devenir des langues régionales. « Un compromis entre la
commission des lois de l'Assemblée nationale et celle du Sénat a permis
l'adoption d'un texte de reconnaissance des langues régionales dans la Constitution.
L'Assemblée
nationale a adopté ce texte le 10 juillet 2008 précisant que les
langues régionales appartiennent au patrimoine de la France »
explique-t-elle en introduction avant de rappeler les promesses du
gouvernement. « Le Gouvernement s'est engagé, sur cette base, à déposer
un projet de loi afin de clarifier leur statut et d'entreprendre leur
transmission par différents moyens. Il faut sur le territoire créer les
conditions de leur développement, que celui-ci passe par
l'enseignement, les médias, ou encore la création. La
préservation de la diversité linguistique de notre pays est dépendante
d'une politique volontariste qui favorisera l'emploi de ces langues
menacées de disparition » insiste la députée béarnaise. Elle interroge
donc le ministre sur l'état d'avancement des travaux, et les délais
dans lesquels le Gouvernement tiendra ses engagements sur la question.
Dans les commissionsLa question a également été évoquée
dans les différentes commissions au sein de l’Assemblée Nationale.
Ainsi lors de l’examen du projet de loi de finances 2010 au sein de la
commission des affaires culturelles et de l’éducation Frédéric Reiss
(UMP, Bas-Rhin) a regretté l’importante diminution des programmes de
France 3 en langues régionales, souligné par le CSA. « Sur France 3
Alsace, par exemple, le nombre d’heures de programmes en langue
régionale est ainsi passé de 80 heures en 2005 à 53 heures en 2008,
soit une baisse de 30 % » a-t-il remarqué. « France 3 semble abandonner
le créneau des émissions en langues régionales, qui est pourtant très
porteur et qui favorise le bilinguisme, et axer leur développement sur
internet, notamment par des web TV qui vont être développées. Or, les
expérimentations menées en Alsace en 2008 et 2009 de diffusion
d’émissions en langues régionales sur internet par des web TV n’ont pas
été couronnées de succès. Il est donc regrettable que France
Télévisions ne fasse pas davantage d’efforts pour diffuser des
programmes en langues régionales » a insisté l’élu.
De son côté, Christian Kert (UMP, Bouches-du-Rhône), a demandé une loi cadre pour les langues. «
Pour ma part, je pense que le développement des langues régionales ne
pourra être assuré qu’en s’appuyant sur une loi, qui viendrait
compléter l’introduction de cette notion dans la Constitution ».
Christian Kert, auteur d’un rapport sur la presse et la télévision,
estime pour sa part que cette loi devrait agir sur deux plans : celui
de l’enseignement des langues régionales dans l’Éducation nationale,
que ce soit à l’école ou à l’université, et celui de la place des
langues dans les médias audiovisuels. « France Télévisions et Radio
France se disent ainsi prêtes à agir en faveur de cette forme de
diversité, mais qu’elles ne pourront s’engager dans cette voie qu’à
partir du moment où la loi facilitera une telle politique ». Cependant,
le député se dit « bien conscient » que développer l’offre de langues
régionales « ne sera pas chose aisée ! ».
Dans le même sens, le député Alain Marc
(UMP, Aveyron) estime qu’il faudrait « préserver voire promouvoir les
langues régionales ». « Il serait bon qu’une loi fixe la place qu’elles
pourraient occuper dans l’audiovisuel public ».
Et Christian Kert de proposer de
co-écrire une proposition de loi sur les langues régionales, qu’il
soumettrait aux membres de la commission, estimant qu’il s’agit là
d’une question « urgente». Néanmoins le député a précisé « qu’il faut
se garder de tout excès en ce domaine, et qu’il ne s’agira pas, par
exemple, de réclamer que les actes administratifs soient rédigés en
langue régionale ».
Au sénatLes discussions sur les langues
régionales foisonnent également dans la haute assemblée. Yves Chastan
(PS, Ardèche) a introduit une question sur « le futur projet de loi »
relatif aux langues régionales. « Annoncé pour 2009, ce projet de loi
devrait permettre de mieux protéger et promouvoir ces langues qui font
pleinement partie du patrimoine de la France (article 75-1
de notre Constitution). A quelques mois de la fin d'année, les
associations et les parlementaires désireux de voir ces langues
régionales mieux reconnues s'inquiètent du retard pris dans le dépôt
dudit projet de loi » a-t-il commenté en demandant de faire connaître
le calendrier d'examen du texte au Parlement.
Le sénateur Simon Sutour (PS, Gard) a
attiré l'attention du ministre de la culture sur « le projet de loi
relatif aux langues régionales, annoncé pour la fin de l'année 2009, et
qui pour l'heure n'a pas été présenté ».
« L'article 75-1 de notre constitution
rappelle, depuis la révision du 23 juillet 2008, que les langues
régionales appartiennent au patrimoine de la
France. Cette première étape dans la reconnaissance des langues
régionales a été un signal positif pour les associations et les élus
des départements concernés. Au même moment, le Gouvernement avait
promis pour l'année 2009 un projet de loi pour consolider la
reconnaissance des langues régionales, mais aussi pour les promouvoir
», déclare le sénateur socialiste. C'est pourquoi, « compte tenu des
engagements pris devant les élus et les associations », il demande à
Frédéric Mitterrand de bien vouloir l'informer du calendrier de dépôt
et d'examen du texte au Parlement.
M. Roland Courteau (PS, Aude) a
également exposé à Frédéric Mitterrand que depuis la modification de la
Constitution en 2008, les langues régionales sont reconnues comme un
élément du patrimoine de la France (art. 75-1). Il lui indique
cependant « que cette reconnaissance n'a de sens que si elle est suivie
d'actions concrètes, dans différents domaines ». Il lui fait notamment
remarquer que la langue occitane est particulièrement menacée par
l'absence de politiques positives en faveur de sa transmission. « C'est
ainsi que concernant les médias, la mise en place d'un service public
de radio et de télévision en langue occitane apparaît nécessaire de
même que l'attribution d'aides spécifiques pour les opérateurs privés
(radios associatives, télévisions, presse), qui oeuvrent en faveur de
la langue occitane », affirme le socialiste. « Dans le domaine de la
création, il convient de mettre en œuvre une politique spécifique en
faveur de l'édition, du théâtre, du spectacle vivant, afin que la
population puisse découvrir une culture trop souvent occultée.De même,
dans le domaine de l'enseignement ou encore pour ce qui concerne la
présence de l'occitan dans la vie publique, tout doit concourir à
permettre à cette langue de vivre et à ceux qui le désirent de
l'utiliser ». Encore une fois, l’élu demande quelles mesures concrètes
le gouvernement entend prendre, permettant à la langue occitane de se
développer et d'occuper une vraie place dans l'enseignement, dans les
médias et dans la vie publique.
M. Alain Fauconnier sénateur PS de
l’Aveyron s’est également inquiété du sort de l’occitan suite à la
modification constitutionnelle. « Cette reconnaissance, cependant, n'a
de sens que si elle est suivie d'actions concrètes, notamment dans le
domaine de l'enseignement. Or, l'offre de postes au CAPES de langues
régionales qui a été réduite de manière drastique - en particulier pour
l'occitan-langue d'oc, qui ne propose que quatre postes annuels - est
très insuffisante pour, d'une part, pallier les départs en retraite et,
d'autre part, assurer la continuité d'un enseignement qui comprend un
vaste territoire regroupant sept régions », a avancé le socialiste. Il
demande quelles mesures concrètes le gouvernement entend prendre pour
améliorer l'enseignement des langues régionales en général et, plus
particulièrement, de l'occitan.
Face à toutes ces prises de position et de questions, le gouvernement reste muet… pour l’instant.