http://www.sudouest.fr/2012/01/30/les-langues-regionales-au-tableau-619165-4329.php
Ecole : les langues régionales de plus en plus étudiées
Rue de Grenelle, au cœur du système éducatif, on planche entre autres sur l'apprentissage des langues régionales. Le ministère de Luc Chatel commence à dresser le bilan d'une politique nationale plus favorable qu'autrefois à ces langues. Il s'agit de mieux faire connaître ce que l'État considère comme un « effort », dans une période électorale où chacun tente de séduire des publics très variés.
François Hollande a déjà promis de signer la Charte des langues régionales ou minoritaires. Des députés de tous bords (PS et UMP) ont proposé, l'an dernier, sans succès, de créer un cadre législatif plus précis et contraignant sur cet apprentissage, pour l'instant laissé à l'appréciation des académies. Quant au gouvernement, sans aller jusqu'à accepter un pilotage décentralisé de cette politique éducative, il a plutôt montré une certaine ouverture et affiche un bilan honorable.
Profs difficiles à trouver
Un peu plus de 400 000 élèves profitent aujourd'hui de l'enseignement d'une langue régionale. C'est deux fois plus qu'il y a dix ans. Pour l'occitan, c'est 80 000 élèves au tableau sur le très vaste secteur géographique historique de cette langue du Sud, de l'Atlantique à l'Italie en passant par l'Espagne. Pour le basque, il s'agit de 11 000 élèves. Mais, surtout, les ouvertures d'écoles bilingues sont régulières. « Il existe aujourd'hui 18 cursus en occitan et des projets de création de classes, mais je ne peux vous dire combien il y en aura », résume Bernadette Fournier, présidente des parents d'élèves des écoles bilingues d'Aquitaine.
Voilà pour l'aspect positif de ce dossier. Mais le bilan de l'apprentissage des langues régionales est bien plus mitigé que ces quelques chiffres encourageants. La première difficulté porte sur l'enseignant. La plupart du temps, il est difficile de trouver des professeurs qualifiés. Il suffit d'une seule main pour compter les postes d'occitan au Capes. En Aquitaine, le recteur, Jean-Louis Nembrini, qui a défendu cette politique lorsqu'il dirigeait l'enseignement scolaire rue de Grenelle, se montre presque cinglant : « Que personne ne vienne me dire que l'État ne fait pas ce qu'il faut. J'ai la possibilité au budget d'ouvrir quelques postes. Mais j'attends les enseignants et les effectifs. » Bernadette Fournier tempère : « Pour les élèves, il y a de quoi ouvrir des classes. C'est vrai qu'il n'est pas facile de trouver des professeurs. Il faut aussi les motiver et les former. » Un problème qui s'accroît surtout dans le secondaire.
Décalage
On touche là du doigt le deuxième obstacle qui se dresse sur la route de l'apprentissage de l'occitan : le décalage entre la langue écrite, codifiée après-guerre, et la langue parlée, mais dont les formes sont variées : le gascon n'est pas le languedocien, et le patois des villages de Dordogne n'a qu'un rapport lointain avec le béarnais. Des jeunes ont parfois du mal à échanger avec leurs grands-parents. Autrement dit, apprendre l'occitan a-t-il un sens si l'on ne peut pas le parler dans la vie courante ?
David Grosclaude, conseiller régional aquitain délégué aux langues et cultures régionales, président de l'Institut d'études occitanes, balaie cet argument : « On nous ressort toujours cette histoire. C'est une langue codifiée qui a mille ans de littérature. C'est exactement la même chose pour le français. J'ai parfois du mal à comprendre quelqu'un du Nord ou un Québécois. Une langue est variée, elle évolue. La difficulté est que l'Occitanie est justement un territoire immense. Je me sens béarnais, mais je suis aussi occitan. »
Ses défenseurs soulignent aussi que 15 millions de personnes vivent en Occitanie, pour 2 millions environ qui comprennent cette langue. « Mais, souvent, ils ne la parlent pas parce que l'on a inculqué à toute une génération que l'on ne pouvait utiliser que le français. Il était honteux de parler patois. C'est quelque chose qui a été intériorisé », ajoute Bernadette Fournier. Reste qu'il existe un décalage entre la langue apprise et la possibilité de l'utiliser, bien davantage il est vrai en Occitanie qu'au Pays basque. Ce qui n'incite pas les élèves à poursuivre dans le secondaire et les jeunes enseignants à se professionnaliser dans cette langue.
En Bretagne, Fanch Broudic a rendu un rapport sur l'enseignement du breton. Il montre notamment que les parents « sont souvent inquiets » lorsque leurs enfants poursuivent leurs études secondaires dans cette langue, d'autant qu'eux-mêmes ne la parlent pas. Conséquence : davantage de jeunes apprennent le breton à l'école, mais on le parle paradoxalement moins dans la vie de tous les jours.
Priorité à l'anglais
Une situation à laquelle le Sud-Ouest n'échappe pas. Cette inquiétude des parents était concrète ces jours-ci dans des écoles du Béarn ou du Pays basque, où certains se sont publiquement opposés à l'ouverture de classes bilingues. Toutes les études montrent pourtant que les enfants de ces classes bilingues de langues régionales « ont de meilleurs résultats », rappelle Bernadette Fournier.
Mais pour beaucoup de parents, le bilinguisme passe en priorité par l'anglais, comme une déléguée le réclamait la semaine dernière dans une classe d'Orthez promise à l'apprentissage de l'occitan. Il n'est pas toujours facile d'être prophète en son pays.
Ecole : les langues régionales de plus en plus étudiées
Rue de Grenelle, au cœur du système éducatif, on planche entre autres sur l'apprentissage des langues régionales. Le ministère de Luc Chatel commence à dresser le bilan d'une politique nationale plus favorable qu'autrefois à ces langues. Il s'agit de mieux faire connaître ce que l'État considère comme un « effort », dans une période électorale où chacun tente de séduire des publics très variés.
François Hollande a déjà promis de signer la Charte des langues régionales ou minoritaires. Des députés de tous bords (PS et UMP) ont proposé, l'an dernier, sans succès, de créer un cadre législatif plus précis et contraignant sur cet apprentissage, pour l'instant laissé à l'appréciation des académies. Quant au gouvernement, sans aller jusqu'à accepter un pilotage décentralisé de cette politique éducative, il a plutôt montré une certaine ouverture et affiche un bilan honorable.
Profs difficiles à trouver
Un peu plus de 400 000 élèves profitent aujourd'hui de l'enseignement d'une langue régionale. C'est deux fois plus qu'il y a dix ans. Pour l'occitan, c'est 80 000 élèves au tableau sur le très vaste secteur géographique historique de cette langue du Sud, de l'Atlantique à l'Italie en passant par l'Espagne. Pour le basque, il s'agit de 11 000 élèves. Mais, surtout, les ouvertures d'écoles bilingues sont régulières. « Il existe aujourd'hui 18 cursus en occitan et des projets de création de classes, mais je ne peux vous dire combien il y en aura », résume Bernadette Fournier, présidente des parents d'élèves des écoles bilingues d'Aquitaine.
Voilà pour l'aspect positif de ce dossier. Mais le bilan de l'apprentissage des langues régionales est bien plus mitigé que ces quelques chiffres encourageants. La première difficulté porte sur l'enseignant. La plupart du temps, il est difficile de trouver des professeurs qualifiés. Il suffit d'une seule main pour compter les postes d'occitan au Capes. En Aquitaine, le recteur, Jean-Louis Nembrini, qui a défendu cette politique lorsqu'il dirigeait l'enseignement scolaire rue de Grenelle, se montre presque cinglant : « Que personne ne vienne me dire que l'État ne fait pas ce qu'il faut. J'ai la possibilité au budget d'ouvrir quelques postes. Mais j'attends les enseignants et les effectifs. » Bernadette Fournier tempère : « Pour les élèves, il y a de quoi ouvrir des classes. C'est vrai qu'il n'est pas facile de trouver des professeurs. Il faut aussi les motiver et les former. » Un problème qui s'accroît surtout dans le secondaire.
Décalage
On touche là du doigt le deuxième obstacle qui se dresse sur la route de l'apprentissage de l'occitan : le décalage entre la langue écrite, codifiée après-guerre, et la langue parlée, mais dont les formes sont variées : le gascon n'est pas le languedocien, et le patois des villages de Dordogne n'a qu'un rapport lointain avec le béarnais. Des jeunes ont parfois du mal à échanger avec leurs grands-parents. Autrement dit, apprendre l'occitan a-t-il un sens si l'on ne peut pas le parler dans la vie courante ?
David Grosclaude, conseiller régional aquitain délégué aux langues et cultures régionales, président de l'Institut d'études occitanes, balaie cet argument : « On nous ressort toujours cette histoire. C'est une langue codifiée qui a mille ans de littérature. C'est exactement la même chose pour le français. J'ai parfois du mal à comprendre quelqu'un du Nord ou un Québécois. Une langue est variée, elle évolue. La difficulté est que l'Occitanie est justement un territoire immense. Je me sens béarnais, mais je suis aussi occitan. »
Ses défenseurs soulignent aussi que 15 millions de personnes vivent en Occitanie, pour 2 millions environ qui comprennent cette langue. « Mais, souvent, ils ne la parlent pas parce que l'on a inculqué à toute une génération que l'on ne pouvait utiliser que le français. Il était honteux de parler patois. C'est quelque chose qui a été intériorisé », ajoute Bernadette Fournier. Reste qu'il existe un décalage entre la langue apprise et la possibilité de l'utiliser, bien davantage il est vrai en Occitanie qu'au Pays basque. Ce qui n'incite pas les élèves à poursuivre dans le secondaire et les jeunes enseignants à se professionnaliser dans cette langue.
En Bretagne, Fanch Broudic a rendu un rapport sur l'enseignement du breton. Il montre notamment que les parents « sont souvent inquiets » lorsque leurs enfants poursuivent leurs études secondaires dans cette langue, d'autant qu'eux-mêmes ne la parlent pas. Conséquence : davantage de jeunes apprennent le breton à l'école, mais on le parle paradoxalement moins dans la vie de tous les jours.
Priorité à l'anglais
Une situation à laquelle le Sud-Ouest n'échappe pas. Cette inquiétude des parents était concrète ces jours-ci dans des écoles du Béarn ou du Pays basque, où certains se sont publiquement opposés à l'ouverture de classes bilingues. Toutes les études montrent pourtant que les enfants de ces classes bilingues de langues régionales « ont de meilleurs résultats », rappelle Bernadette Fournier.
Mais pour beaucoup de parents, le bilinguisme passe en priorité par l'anglais, comme une déléguée le réclamait la semaine dernière dans une classe d'Orthez promise à l'apprentissage de l'occitan. Il n'est pas toujours facile d'être prophète en son pays.