La langue provençale se bat pour défendre ses droits 10 contributions Publié le samedi 24 octobre 2009 à 12H31
Un grand rassemblement a lieu à Carcassonne aujourd'hui pour la défense de la langue d'oc function changeImage(s, h, w, c , l) { document.images.visuel.src = '/images/empty.gif'; document.images.visuel.height = h; document.images.visuel.width = w; document.images.visuel.src = s; document.getElementById("credits").innerHTML = " " + c + " "; document.getElementById("legende").innerHTML = " " + l + " "; }
À Orange, dans l'école associative appelée "Calandreta",
Photo Valérie Suau
"Un griot meurt et c'est une bibliothèque qui brûle", disait
Amadou Ampâté Ba. Et ce qui est vrai en Afrique, l'est peut-être pour
les langues minoritaires de France. Celles-là même qu'une révision de
la Constitution a intégrées comme "élément du patrimoine vivant" de
l'Hexagone, mais que les députés peinent à défendre, via une loi très
attendue et promise par Christine Albanel.
Pourtant, qu'on
la nomme occitan (générique aux langues d'oc) ou qu'on lui préfère le
nom de provençal, cousin proche du Limousin, du Gascon ou du Gavot
(dans les Alpes), la langue se porte bien: l'édition, la chanson, la
création en témoignent. Plus près de chez nous, on évoque Fuveau et son
festival de théâtre provençal, le festival "Me dison Prouvènço" à Arles
ou la présence de nombreux chanteurs toujours à Arles, aux Suds.
Mais à Sète, à Béziers, à Marseille (à l'oustau dou pais Marselhes), à
Aix et son festival du Tambourin… la langue résonne et plus d'un
millier de villes ont apposé en provençal, leur nom sous la pancarte
officielle en français. Tous ne manifestent pas. Et certains puisent
dans l'expression folklorique, ces racines qui font défaut aujourd'hui.
On aurait tort de les railler, puisqu'ils transmettent, au
sein de plusieurs centaines d'associations, la culture que chantait
Mistral certes, mais aussi Aubanel, Delavoüet, Rouquette et d'autres
contemporains. Des querelles existent: ainsi le Collectif Prouvènço,
voudrait la reconnaissance de la langue provençale à l'instar des
autres composantes de la culture d'oc.
D'autres préfèrent
parler d'une langue d'oc, riche de sa diversité via ses dialectes, dont
le provençal. Mais au fond, pour les générations futures, c'est la
transmission orale d'une culture qui reste fondamentale, via la
télévision ou le chant. Et cela donne un joli mot en provençal : "
la langue dou bres", la langue du berceau.
Silvie Ariès -----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
A Marseille, la foi occitane La scène se déroule un soir de 1996 au stade Vélodrome. Peu avant le
coup d'envoi, les visiteurs lyonnais, tendance crânes rasés et idées
étriquées, sortent une banderole qui sonnecomme un slogan nationaliste
:
"Provence: décadence". Tribune d'en face, chez le Winners,
un groupe de supporters olympiens largement fréquenté par la jeunesse
marseillaise d'origine maghrébine, la réplique est farouche : un
immense tifo aux couleurs sang et or de la Provence.
Dans l'enceinte, un lycéen, Mathieu Castel, écarquille les yeux. Et frissonne :
"J'ai été stupéfait de voir le stade se retrouver sous cette bannière,se rappelle-t-il, j'ai pensé qu'il fallait creuser ça...". Treize ans
plus tard, Matieu Castel, devenu prof de provençal, reçoit dans son
local basé à La Plaine. Un quartier du centre ville métissé et
bouillonnant. Nomde son association :
"L'Oustau dau pais marselhés". Fonction : propager une culture que d'aucun croyait vouée à une
extinction lente mais inexorable. Feu à volonté sur ce mauvais
augure...
"Il y existe désormais une vraie dynamique, se
rengorge Mathieu Castel. On a fait passer l'idée qu'on n'est pas obligé
de porter des habits folklos et de faire du tutu-panapan pour vivre
cette culture. Non, on peut le faire en survêt de l'OM !".
La preuve : ses cours gratuits réunissent une population âgée en moyenne de 20 à 35 ans, d'origine diverses.
"Afghane, algérienne, italienne...", énumère Mathieu Castel.
"Dans le quartier, cette langue est devenue un ciment entre les gens", insiste-t-il. Pour trouver les racines de cet étonnant
revival, il faut remonter au début des années 90 et à l'apparition du Massilia Sound System.
Sous leurs airs festifs, ces troubadours modernes se positionnent en
pourfendeurs acharnés du centralisme jacobin. Ils seront premiers à
oser mêler rythmes jamaïcains et textes en provençal sur un disque au
titre sans équivoque: "Parla Patois". Une petite révolution résumée en
un slogan fondateur :
"L'arme est jamaïcaine, la cartouche est marseillaise".
Dans cette brèche, allait s'engouffrer une foule de personnages et de
lieux emblématiques. À l'instar du café-concert l'Intermédiaire, où
tout une génération, celle qui tient la scène aujourd'hui, se formait
aux rudiments de l'Occitan.
"Dans une époque de formatage et de globalisation, nous avons eu besoin d'une forme d'expression singulière", analyse le punk-occitan Sam Karpienia.
"Marseille s'est toujours trouvée à l'étroit dans la culture française. Cette ville a besoin d'ouvertures",enchaîne l'écrivain Alessi Dell'Umbra, écrivain et fondateur de
l'Ostau. Une ouverture musicale et philosophique qui a construit une
nouvelle identité provençale. À mille lieux des replis identitaires.
"
Dans notre logique, Nous nous situons au nord de la Méditerranée et pas au sud de la France, termine
Mathieu Castel. Un positionnement gagnant. Au point que ce mouvement
fait désormais "bouléguer" les foules à des dizaines de milliers de
kilomètres de Marseille. Exagération marseillaise ? Que nenni : Sam
Karpienia, ex-Dupain, vient d'envoûter le public taiwanais et jouera ce
soir à la Fiesta des Suds.
Encore plus fort : Le Cor de La
Plana, inventeur des polyphonies occitanes, enchaîne une tournée
mondiale passant par Tokyo, Florence, Séville, Adelaïde...
"On a même réussi à faire danser une farandole au public new-yorkais !", s'amuse Manu Barthélémy. L'une des voix portant haut une langue donnée pour morte et aujourd'hui ressuscitée.
Laurent D'Ancona