http://www.sudouest.fr/2010/07/19/au-berceau-elle-se-nomme-era-garona-141996-4344.php
Au fil de la Garonne : au berceau, elle se nomme era Garona
La Garonne naît dans le val d'Aran, en Espagne. Mais sa vraie identité est occitane
La Garonne à l'Uelh deth Joèu, résurgence du trou du Taureau, dans
l'est du val d'Aran. En ce royaume de torrents et de cascades, l'eau
est cristalline. PHOTO CLAUDE PETIT
Val d'Aran, kilomètre zéro. Là-haut, sur le plateau, paissent des chevaux bais rondouillards aux crinières blanches. Les vaches blondes avancent au rythme des clarines, suivies par leurs veaux. Mais point de trou du Taureau. On nous a pourtant dit que c'est bien ici que se trouve la source du fleuve nourricier. Mais, dès sa naissance, côté aragonais, avec le pic d'Aneto pour témoin, la Garonne est espiègle. Le pèlerinage n'est pas une mince affaire.
L'origine est-elle cette résurgence du massif de la Maladeta ?
Doit-on se fier à la théorie du pyrénéiste Norbert Casteret, qui, en balançant du colorant dans l'eau bouillonnante, prouva une direction atlantique au ruisseau quand les Espagnols rêvaient d'une destination méditerranéenne ? Des deux côtés de la frontière, on souhaitait mettre la rivière du système karstique au turbin. Et plutôt six fois qu'une.
Pour l'heure et pour longtemps, la seule certitude est que la Garonne, era Garona (le cours d'eau), est aranaise.
Sources du Nil
Quoi qu'il en soit, nous voici à l'Uelh deth Joèu, l'œil de Jupiter ou du juif, selon les traductions. Les études plus approfondies de l'écrivain Bienvenido Mascaray décortiquent le vocable en « Jo-oé-u » pour signifier « là où parvient la veine d'eau ». En ce royaume de torrents et cascades, l'émotion est réelle lorsqu'on prend l'eau cristalline dans le creux de sa main. Dans l'ouest lointain, à 647 kilomètres de méandres, le fleuve rejoindra la Gironde pour s'en aller embrasser l'océan du bout de l'estuaire. Qu'importe donc la véritable source. Celle des Aranais qui la situent à l'est, du côté du Pla du
Béret, à proximité du port de la Bonaigua, est aussi très présentable.
D'autres la verraient bien sur le plateau d'Orri, sur les hauteurs de Baqueira. Pourquoi pas ?
« On dit des fleuves qu'ils ont autant de naissances que d'affluents. Les critères sont nombreux : la longueur, l'altitude, le débit… Mais notre tradition situe le lieu de naissance au Pla du Béret, comme pour l'autre fleuve, le Nouguera. Restons-en là. Pas question de refaire ici l'histoire des sources du Nil », affirme Jèp de Montoya e Parra.
Linguiste amateur, cet employé de la société espagnole d'électricité Endesa a toujours cherché les origines dans les mots. Il est l'auteur d'un « Vademecum aranais », compilation de textes du XIIe au XXe siècle qui l'a absorbé pendant quatre ans.
L'occitan est sa passion. Le gascon, le languedocien, le provençal, le limousin, l'auvergnat ou le vivaro-alpin n'ont plus grand secret pour lui. Le tronc commun le fascine. « Notre aranais est un des dialectes du gascon des hautes sources de la Garonne. Ce qui est clair, c'est que le val d'Aran ne s'arrête pas au pont du Roi (la frontière où le fleuve devient français). L'aranais que je parle avec mon fils est compris dans toute la vallée de la Pique et tout le Comminges, de Saint-Béat à Luchon. Devant le Parlement de Catalogne, j'ai présenté un projet le 21 avril pour qu'on devienne un chef-lieu de la culture d'oc », dit avec fierté celui qui est aussi président de l'Institut des études aranaises d'Arros et membre de l'association de préfiguration de
la langue d'oc, basée à Pau.
La langue officielle
L'aranais, occitan teinté de catalan, de castillan et d'une pincée de basque, est depuis le 3 octobre 1990 langue officielle dans ce territoire de 11 000 habitants. Elle est reconnue sur tout le territoire catalan. Même sous Franco, la « petite république » a toujours joui de ses privilèges et singularités. La croix occitane orne les frontons du Conseil général de la capitale Vielha et de toutes les mairies dont les principales sont Bossòst, Naut Aran et Les. Toutes ces communes de pierre et d'ardoise nichées dans l'ancienne vallée
glaciaire ont pour particularité d'être traversées par ce gave écumant où frétillent encore quelques farios. Les gens du lointain aval marronnasse se pincent, mais c'est bien d'elle qu'il s'agit.
Que dit l'occitan au sujet de la Garonne ? « Les terminaisons en « one » indiquent les cours d'eau qui viennent des hauteurs. Le fameux linguiste catalan Corominas avance Gur-on-a, qui signifie « l'eau qui est bonne ». Exactement la même étymologie que Gur-on-da, qui a donné Gironde. On trouve d'autres Garona en Aragon mais aussi dans la province de Burgos », poursuit Jèp de Montoya. Mais pour lui, la véritable, la seule, l'unique, coule au pied de sa maison de Les. « Pour comprendre un pays, il faut s'approprier son fleuve », dit-il. Les moulins, les scieries, les radeaux qui dévalaient chargés de rondins et maintenant les centrales électriques font l'histoire du val d'Aran. Et bien au-delà. Au pont du Roi, era Garona devient la Garonne. La voilà fin prête pour s'en aller bercer ou inonder les berges d'Occitanie.
Amour et peur sont les deux sentiments que nous rencontrerons tout le
long du périple
« Pour comprendre un pays, il faut s'approprier son fleuve »
Au fil de la Garonne : au berceau, elle se nomme era Garona
La Garonne naît dans le val d'Aran, en Espagne. Mais sa vraie identité est occitane
La Garonne à l'Uelh deth Joèu, résurgence du trou du Taureau, dans
l'est du val d'Aran. En ce royaume de torrents et de cascades, l'eau
est cristalline. PHOTO CLAUDE PETIT
Val d'Aran, kilomètre zéro. Là-haut, sur le plateau, paissent des chevaux bais rondouillards aux crinières blanches. Les vaches blondes avancent au rythme des clarines, suivies par leurs veaux. Mais point de trou du Taureau. On nous a pourtant dit que c'est bien ici que se trouve la source du fleuve nourricier. Mais, dès sa naissance, côté aragonais, avec le pic d'Aneto pour témoin, la Garonne est espiègle. Le pèlerinage n'est pas une mince affaire.
L'origine est-elle cette résurgence du massif de la Maladeta ?
Doit-on se fier à la théorie du pyrénéiste Norbert Casteret, qui, en balançant du colorant dans l'eau bouillonnante, prouva une direction atlantique au ruisseau quand les Espagnols rêvaient d'une destination méditerranéenne ? Des deux côtés de la frontière, on souhaitait mettre la rivière du système karstique au turbin. Et plutôt six fois qu'une.
Pour l'heure et pour longtemps, la seule certitude est que la Garonne, era Garona (le cours d'eau), est aranaise.
Sources du Nil
Quoi qu'il en soit, nous voici à l'Uelh deth Joèu, l'œil de Jupiter ou du juif, selon les traductions. Les études plus approfondies de l'écrivain Bienvenido Mascaray décortiquent le vocable en « Jo-oé-u » pour signifier « là où parvient la veine d'eau ». En ce royaume de torrents et cascades, l'émotion est réelle lorsqu'on prend l'eau cristalline dans le creux de sa main. Dans l'ouest lointain, à 647 kilomètres de méandres, le fleuve rejoindra la Gironde pour s'en aller embrasser l'océan du bout de l'estuaire. Qu'importe donc la véritable source. Celle des Aranais qui la situent à l'est, du côté du Pla du
Béret, à proximité du port de la Bonaigua, est aussi très présentable.
D'autres la verraient bien sur le plateau d'Orri, sur les hauteurs de Baqueira. Pourquoi pas ?
« On dit des fleuves qu'ils ont autant de naissances que d'affluents. Les critères sont nombreux : la longueur, l'altitude, le débit… Mais notre tradition situe le lieu de naissance au Pla du Béret, comme pour l'autre fleuve, le Nouguera. Restons-en là. Pas question de refaire ici l'histoire des sources du Nil », affirme Jèp de Montoya e Parra.
Linguiste amateur, cet employé de la société espagnole d'électricité Endesa a toujours cherché les origines dans les mots. Il est l'auteur d'un « Vademecum aranais », compilation de textes du XIIe au XXe siècle qui l'a absorbé pendant quatre ans.
L'occitan est sa passion. Le gascon, le languedocien, le provençal, le limousin, l'auvergnat ou le vivaro-alpin n'ont plus grand secret pour lui. Le tronc commun le fascine. « Notre aranais est un des dialectes du gascon des hautes sources de la Garonne. Ce qui est clair, c'est que le val d'Aran ne s'arrête pas au pont du Roi (la frontière où le fleuve devient français). L'aranais que je parle avec mon fils est compris dans toute la vallée de la Pique et tout le Comminges, de Saint-Béat à Luchon. Devant le Parlement de Catalogne, j'ai présenté un projet le 21 avril pour qu'on devienne un chef-lieu de la culture d'oc », dit avec fierté celui qui est aussi président de l'Institut des études aranaises d'Arros et membre de l'association de préfiguration de
la langue d'oc, basée à Pau.
La langue officielle
L'aranais, occitan teinté de catalan, de castillan et d'une pincée de basque, est depuis le 3 octobre 1990 langue officielle dans ce territoire de 11 000 habitants. Elle est reconnue sur tout le territoire catalan. Même sous Franco, la « petite république » a toujours joui de ses privilèges et singularités. La croix occitane orne les frontons du Conseil général de la capitale Vielha et de toutes les mairies dont les principales sont Bossòst, Naut Aran et Les. Toutes ces communes de pierre et d'ardoise nichées dans l'ancienne vallée
glaciaire ont pour particularité d'être traversées par ce gave écumant où frétillent encore quelques farios. Les gens du lointain aval marronnasse se pincent, mais c'est bien d'elle qu'il s'agit.
Que dit l'occitan au sujet de la Garonne ? « Les terminaisons en « one » indiquent les cours d'eau qui viennent des hauteurs. Le fameux linguiste catalan Corominas avance Gur-on-a, qui signifie « l'eau qui est bonne ». Exactement la même étymologie que Gur-on-da, qui a donné Gironde. On trouve d'autres Garona en Aragon mais aussi dans la province de Burgos », poursuit Jèp de Montoya. Mais pour lui, la véritable, la seule, l'unique, coule au pied de sa maison de Les. « Pour comprendre un pays, il faut s'approprier son fleuve », dit-il. Les moulins, les scieries, les radeaux qui dévalaient chargés de rondins et maintenant les centrales électriques font l'histoire du val d'Aran. Et bien au-delà. Au pont du Roi, era Garona devient la Garonne. La voilà fin prête pour s'en aller bercer ou inonder les berges d'Occitanie.
Amour et peur sont les deux sentiments que nous rencontrerons tout le
long du périple
« Pour comprendre un pays, il faut s'approprier son fleuve »
Dernière édition par capbreton le Mar 20 Juil 2010 - 7:48, édité 1 fois