M. Marc Le Fur – Je remercie le Gouvernement et le président de la commission. Lors de trois révisions constitutionnelles successives, je me suis exprimé pour l’introduction des langues régionales dans la Constitution. Nous avions échoué, mais à chaque fois plus de collègues, de différents groupes, se joignaient à nous.
En janvier dernier, le Premier ministre s’était engagé à organiser un débat. Il a tenu parole et Mme Albanel a annoncé un projet de loi. Je souhaite que ce dernier soit voté dès 2009. Mais pour qu’il le soit en toute sécurité juridique, il fallait modifier la Constitution. On le fait, et dès l’article 1er, ce qui est très fort sur un plan symbolique.
L’unité n’est pas l’uniformité, l’égalité n’est pas la confusion, mais la possibilité pour chacun d’être soi-même. Pour nombre de nos concitoyens, leur langue régionale, même s’ils ne la maîtrisent pas totalement, en est un aspect. En juin 1940, un quart des marins et des soldats qui avaient rejoint le Général de Gaulle venaient de l’île de Sein. Ils ne maîtrisaient pas forcément les subtilités de la langue française, mais ils se sont battus pour la France, et beaucoup n’ont pas revu leur île. Aujourd’hui, c’est un hommage que nous leur rendons en même temps que nous faisons évoluer notre droit positif (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).
M. Patrick Braouezec – Les langues régionales font partie de notre patrimoine. Mais les monuments historiques et les archives également. Mieux vaudrait donc compléter l’amendement présenté par le rapporteur en précisant qu’elles font partie de notre patrimoine « vivant ». Cela rendrait inutile de dire ensuite qu’on les protège, comme le demande M. Bayrou.
M. Claude Goasguen – L’amendement de M. Warsmann remplit bien son rôle. Mais la formule utilisée fera forcément naître un contentieux. Il est donc bon de préciser d’abord ce que ne veut pas dire cet amendement. D’une part, l’amendement n’a rien à voir avec la Charte, dont la ratification suppose un acte indépendant de toute stipulation constitutionnelle. D’autre part, une langue régionale est déterminée selon deux critères : l’un est géographique, l’autre est linguistique – une langue se distinguant du dialecte en ce qu’elle possède un patrimoine écrit.
Enfin, Monsieur Braouezec, le terme « vivant » est superflu : l’objectif n’est pas de donner une crédibilité aux politiques régionales, mais d’ouvrir la voie à d’éventuels textes qui en détermineront le contenu. Elles ne sont en aucun cas obligatoires ! Les futurs gouvernements auront, le cas échéant, à se dégager de l’étreinte du Conseil constitutionnel, dont l’interprétation, sur ces sujets, est souvent restrictive. C’est ce que permet la formulation de l’amendement de la commission, qui vaut également pour les mesures que décideraient les instances régionales et locales (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP).
M. Camille de Rocca Serra – Compte tenu de l’accord qui vient d’avoir lieu, je retire mon amendement pour me rallier à celui du président de la commission des lois (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP).
M. Jean-Luc Warsmann, rapporteur – Je souhaite rectifier l’amendement 605 de sorte qu’il soit formulé ainsi : « Les langues régionales appartiennent à son patrimoine ».
M. le Président – Cet amendement fait l’objet de plusieurs sous-amendements.
M. François Bayrou – Avant de défendre le mien, je tiens à me féliciter de l’amendement proposé par notre rapporteur : c’est un important pas en avant. Songez, Monsieur Goasguen, que certaines langues régionales possèdent un patrimoine littéraire bien plus ancien que le français !
Cela étant, je suis troublé par le fait de placer cette mention des langues régionales à l’article 1er de la Constitution, qui traite des principes fondamentaux de la République tels que l’égalité ou la laïcité. Je me suis toujours battu pour promouvoir les langues régionales, y compris lorsque, ministre de l’Éducation nationale, j’ai fait en sorte que les Ikastolak, Diwan et autres Calendretas, alors moribondes, figurent dans la loi Debré. Et pourtant, la reconnaissance des langues régionales n’a pas sa place à l’article 1er de la Constitution – ou bien fallait-il aussi adopter l’amendement de M. Mamère sur la diversité. Je rappelle que les difficultés des langues régionales sont nées d’une jurisprudence hostile du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État, inspirée par l’article 2 de la Constitution qui fait de la langue française la langue de la République. Nous respectons et connaissons tous assez le droit pour ne pas placer dans le premier article de notre loi fondamentale un alinéa qui ne doit pas y être ! Cette mention utile doit figurer dans un autre article, afin d’éviter tout problème d’ordonnancement.
J’en viens au sous-amendement 606, qui vise à remplacer l’expression de « patrimoine national » par celle de « patrimoine de la nation », et surtout à ajouter la phrase suivante à l’alinéa : « La République les protège ». La protection, qui implique une action ou un effort, est, en la matière, un devoir de la République.